L’ordre de Grandmont

A partir de 1076 et pendant près de 50 ans, Etienne, ermite à Muret, dans les Monts d’Ambazac (actuelle Haute Vienne) vit dans une pauvreté exemplaire. Après sa mort en février 1124, ses disciples s’installent sur la colline boisée de Grandmont pour y vivre à son exemple.  Leur quatrième supérieur, Etienne de Liciac (1139-1164) dote ces religieux d’une Règle originale inspirée directement des Evangiles. Lors de la canonisation d’Etienne de Muret, en 1189,  l’ordre compte un millier de religieux ou clercs, ayant fait voeu d’obeïssance, chasteté et pauvreté, et de converts n’ayant prononcé que le voeu d’obeïssance. Quelque cent maisons ou celles, sont établies en général au milieu d’un bois, regroupant trois ou quatre clercs et une dizaine de converts menant une vie simple et contemplative, autour d’une église dédiée à la Vierge. Recrutés principalement dans les classes rurales, ils sont surnommés les Bonshommes. Au coeur du 13ème siècle, l’ordre comprend 168 celles rattachées à l’autorité du prieur de Grandmont, la maison-mère.

L’Enfourchure

Le comte Guillaume de Joigny, croisé en Terre Sainte, mobilisé dans le contingent champenois au service du roi Philippe Auguste lors de la bataille de Bouvines qui consacra l’unité française en 1214, sensible à l’attrait les formes nouvelles de vie monastique dans la pauvreté et la solitude, n’a cessé de marquer sa protection et générosité à l’égard des nouveaux établissements religieux. En 1209, il offre sa terre de l’Enfourchure à des religieux de l’ordre de Grandmont. Dès la fin du 12ème siècle, l’ordre est secoué par des crises internes provoquées par le rôle croissant pris par les convers, auxquels étaient confiées l’autorité temporelle et la gestion, et la révolte des clercs cantonés à leur seule fonction spirituelle, motivant les interventions successives des Papes. En 1317 le pape Jean XXII met fin aux dissenssions en réorganisant radicalement l’ordre et le calquant sur le modèle bénédictin. Ne subsistent que 39 monastères érigés en prieurés auxquels sont subordonnées les autres maisons de l’ordre. L’Enfourchure est l’un de ces prieurés, il peut accueillir jusqu’à 16 clercs pour une dizaine de convers.

Le déclin

Ruiné par la guerre de cent ans, l’établissement ne revit qu’au début du 16ème siècle sous l’impulsion du prieur Gabriel Gouffier, doyen du chapître de la cathédrale de Sens, qui a mené une reprise en main tant spirituelle que matérielle. Reconstruction de la nef, de l’aile ouest du cloître, création de stalles (aujourd’hui conservées dans l’église de Dixmont). Mais les Guerres de Religion ont raison de ce renouveau, la communauté de religieux se disperse durant les troubles, tandis que l’ordre de Grandmont lui-même périclite au 18ème siècle.

Décrété bien national en 1791, le prieuré de l’Enfourchure et ses dépendances sont acquis aux enchères et démantelés. Le domaine passe aux mains d’agriculteurs.A partir de 1838 la famille Galicier parvient à réunir de nouveau terres et bâtiments, déjà en ruines. Le corps de bâtiment actuel a été restauré au début du 20ème siècle, avec notamment le dallage de la salle du 1er étage.

Acquis par la commune de Dixmont en 1987, le domaine est aujourd’hui la propriété de l’Association des Amis du Patrimoine du Pays d’Othe qui a pour objet d’oeuvrer à sa préservation et y organise manifestations et festivités.

Source : La dernière arche, Jean-Luc Dauphin, AVV 1993.